Un carnet, c’est un compagnon de route. On le porte sur soi pour y noter pêle-mêle une idée, une réflexion, les premières lignes d’un livre à venir ou pour y relever deux ou trois accords qui nous inspireront les premières notes d’une mélodie. On y inscrit aussi un souvenir d’enfance, la scène d’un film, un événement tragique, un geste ou le sourire d’un ami disparu. S’enchaîne ainsi à notre insu, un monde d’images discontinues, souvent obscures et étranges, alimentant parfois en nous des procès sans fin. On l’aura compris: ce carnet intime qui habite en chacun de nous, souvent indéchiffrable, demeure inachevé. Il le restera toujours. G.P
Enregistré le 2 & 3 juillet 2013 au Studio Piccolo (Paris).
La Presse
- JAZZ magazine / JAZZMAN (N° 655 – Nov. 2013)
En 2011, dans son livre l’Art sans art, le mystère de l’apprentissage, Georges Paczynski témoignait des fragilités de l’artiste face à ses échecs et à ses doutes. Conçu comme des pages arrachées à un journal intime, “ Le Carnet inachevé “ est une plongée vers l’humain, renvoyant à des lectures, des films, des rencontres, des événements historiques ou personnels, des convictions, des sentences, des souvenirs d’enfance, avec en filigrane le fantôme de cette Pologne dont il reste orphelin. Aussi est-ce moins un disque de batteur qu’un disque d’ “auteur-compositeur “, marqué par l’univers de Bill Evans dont il reprend, seul emprunt, l’un des thèmes préférés, Mother of Earl d’Earl Zindars. La batterie n’en est pas moins là et cette quête du juste équilibre entre le lâcher prise et la retenue qui hante Paczynski participe de l’émotion, parfois jusqu’à l’embarras. Aussi apprécie-t-on d’entendre Vincent Bourgeyx et Marc Buronfosse prendre la clef des champs le temps d’un duo ou le pianiste dialoguer avec son hôte lors d’une bouleversante évocation rubato de la mort de sa mère où le batteur se faisant percussionniste réinvente son rapport au lâcher prise. Il se met seul au piano sur l’une des deux plus longues pièces du disque, Le Carnet inachevé, qui avec l’espèce de choral s’y enchaînant (Immobile, en son détachement d’après Maître Eckhart) illustre au mieux, par la profondeur de leur écriture, ce nouvel éloge de la fragilité signé Georges Paczynski.
Franck Bergerot
- JAZZ BLOG de la 52 ème ( Sébastien Bertho – 29/03/2015)
Georges Paczynski est un batteur érudit, un pédagogue hors pair, ce qui ne va pas forcément de mise dans le microcosme de la musique de jazz en France. Il est l’auteur d’une monumentale histoire de la batterie en trois volumes, oeuvre de référence en la matière. Son dialogue pertinent avec Alain Gerber, dans l’émission “ Black & Blue “ reste un moment privilégié des ondes radiophoniques. Georges Paczynski recourt à la formule classique du trio avec piano et contrebasse. Sa première formation personnelle avec Jean-Christophe Levinson et Jean-François Jenny Clark a duré douze ans, le temps de graver seulement deux albums aujourd’hui très difficilement trouvables. Depuis, il n’a de cesse de renouveler les partenariats. Sa dernière mouture mélange les générations puisqu’il a demandé au jeune pianiste bordelais Vincent Bourgeyx et au contrebassiste chevronné Marc Buronfosse d’être ses compagnons de fortune. “ Le Carnet inachevé “ se révèle un opus précieux, mon premier disque d’émoi de l’année. Hormis un titre, cet enregistrement ne contient que des compositions personnelles du batteur dépassant rarement la durée de quatre minutes. Ces miniatures visent l’essentiel en peu de notes; quinze thèmes au programme engendrent une durée de moins de cinquante minutes soit la valeur d’un vinyle trente centimètres. Georges Paczynski sait faire vibrer ses racines où la culture polonaise occupe une place de choix. Il présente “ Le Carnet inachevé “ comme un compagnon de route où y sont notés pêle-mêle, une idée, une réflexion ou le relevé de deux ou trois accords qui inspireront les premières notes d’une mélodie. La composition “ Le 10 Avril 2010 “ propose six variations sur un chant entêtant. Georges Paczynski est un batteur percussionniste mélodiste, un directeur éclairagiste distingué de jazz de chambre, toujours à la recherche et au service de la musicalité. Il appartient à cette lignée magnifique et peu spectaculaire qui n’a pas beaucoup prospéré depuis le légendaire Larry Bunker compagnon du quartet de Gerry Mulligan et Chet Baker et plus tard du trio de Bill Evans. Ses partenaires sont toujours à l’écoute et au diapason de son projet. Voilà un CD que je n’ai de cesse de faire tourner sur ma platine. Il distille de purs moments de bonheur et “ un monde d’images discontinues, souvent obscures et étranges, alimentant parfois en nous des procès sans fin “.
Jacky Huchet Kervella